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La navette autonome Beti : une réussite française en mobilité intelligente et connectée

La navette autonome Beti : une réussite française en mobilité intelligente et connectée

La navette autonome Beti : une réussite française en mobilité intelligente et connectée

Une navette, deux villages et une ambition technologique

Imaginez une navette sans conducteur, glissant silencieusement sur une route de campagne, reliant deux petits villages du Béarn. Ce n’est pas une scène d’un film de science-fiction tourné dans le Sud-Ouest, mais bien la réalité quotidienne entre Lescar et Billère, à quelques encablures de Pau. Cette navette s’appelle Beti – un acronyme pour « Béarn, territoire d’expérimentation de transport intelligent » – et elle pourrait bien incarner une nouvelle ère pour la mobilité connectée et autonome en France.

Portée par la société française EasyMile, en association avec des collectivités locales, Beti est bien plus qu’un véhicule à la conduite automatique. Elle est le fruit d’un dialogue entre ingénierie logicielle, capteurs intelligents et vision prospective de la mobilité régionale. Sur un territoire qui n’avait rien d’un laboratoire high-tech à première vue, Beti s’épanouit aujourd’hui comme un emblème de l’innovation accessible – de cette fameuse industrie 4.0 dont on parle souvent dans les salons, mais qui ici, roule tous les jours, pour de vrai.

Autonome, mais pas seule : l’écosystème derrière la mobilité intelligente

On aurait tort de réduire Beti à une boîte roulante bourrée d’algorithmes. Derrière cette initiative, se dresse une architecture systémique qui mérite qu’on s’y attarde. Car toute voiture autonome, aussi bien conçue soit-elle, ne peut opérer dans le vide. Elle nécessite :

À cet égard, la mise en œuvre de Beti est un bel exemple de coopération. Le SCoT (Schéma de Cohérence Territoriale) du bassin de vie palois a joué un rôle stratégique, alignant urbanisme et numérique dans un objectif de mobilité durable. L’initiative a également reçu le soutien de l’ADEME dans le cadre de l’appel à projet Expérimentation Territoriale Grande Mobilité.

Le cerveau électronique de Beti : une prouesse cyber-safe

Beti repose intégralement sur une myriade de capteurs Lidar (détection par laser), de caméras HD, d’IA embarquée et d’unités de traitement en bord de route. Et dans ce joli monde connecté, la cybersécurité devient l’armure invisible mais essentielle. Comme un chevalier du Moyen Âge traverse un champ de bataille, la navette Beti circule dans un environnement truffé de données sensibles. Et comme on le sait bien sur ce blog : toute donnée connectée est potentiellement une cible.

Le ministère des Armées lui-même a d’ailleurs exprimé un intérêt pour les technologies derrière Beti – non pas pour en faire une navette militaire (rassurez-vous), mais pour comprendre les implications sécuritaires dans les applications de mobilité autonome. Cette vigilance s’explique : une attaque sur le système de navigation peut transformer un véhicule autonome en projectile improvisé. On est loin des simples bugs d’autoradios.

Heureusement, EasyMile ne fait pas dans l’amateurisme. Leur stack logiciel est construit en suivant les normes ISO/SAE 21434 sur la cybersécurité des véhicules, et la supervision humaine en temps réel renforce une couche de contrôle redondante. Le pilotage à distance reste possible via un centre de commandement supervisé par des opérateurs agréés. Une boucle vertueuse mêlant information, anticipation et réaction.

Un déploiement en douceur : la technologie, oui, mais au rythme local

Ce qui frappe dans le projet Beti, ce n’est pas seulement l’ingéniosité technique, mais sa manière douce d’infuser l’innovation dans un tissu rural, là où le progrès technologique est souvent perçu, au mieux avec scepticisme, au pire comme une intrusion. La stratégie d’acceptabilité sociale, menée parallèlement à la mise en service, est une leçon en soi.

Des réunions publiques ont permis de désamorcer les peurs (« Et si la navette roulait toute seule sur le marché le samedi ? »), tandis que des essais avec passagers volontaires ont offert un contact tactile avec la bête technologique. La navette adopte une vitesse modérée, entre 15 et 25 km/h selon les tronçons ; une lenteur assumée qui n’effraie ni piétons, ni vélos, ni tracteurs festifs (souvent de sortie dans la campagne béarnaise, vous le savez si vous y êtes passés en période de moisson).

Beti, miroir roulant de l’industrie 4.0 française

Avec Beti, la France n’a pas seulement mis une navette sur une route de province. Elle a surtout déployé une démonstration grandeur nature de ce que peut être une intégration réussie de l’industrie 4.0 dans un domaine à forte charge réglementaire, émotionnelle et politique : le transport.

Tout est là :

Cette approche holistique rappelle que l’industrie moderne n’est plus simplement une affaire de machines et de process. C’est une affaire d’écosystèmes, où l’humain, la donnée et la technologie coexistent dans une dynamique sans cesse à réinventer.

Et maintenant ? Vers d’autres territoires intelligents

La réussite de Beti suscite déjà des convoitises ailleurs. D’autres collectivités (d’Occitanie, d’Auvergne-Rhône-Alpes et même de certaines régions d’Ile-de-France) observent l’expérience béarnaise avec intérêt. Certaines ont déjà lancé des appels à manifestation d’intérêt pour des modèles similaires. Le modèle Beti devient une brique adaptable, plug-and-play – mais surtout context-sensitive.

Car s’il y a bien une leçon à tirer de cette aventure, c’est que la mobilité intelligente ne peut s’importer comme une recette universelle. Ce n’est pas un Uber connecté ou une Tesla 2.0. C’est un puzzle de données, de coordonnées GPS et de patience citoyenne. Chaque territoire doit redessiner à sa façon l’expérience urbaine et intercommunale.

Comme me le confiait un ingénieur du projet lors d’une interview : « Ce n’est pas la technologie qui dicte le rythme, c’est le terrain. Nous, on s’ajuste. » C’est peut-être le plus grand changement de paradigme de cette industrie du transport intelligent : l’humilité méthodologique.

Une avancée éthique autant que technique

Enfin, difficile de parler de Beti sans ouvrir les yeux sur l’implicite éthique que ce type de technologie transporte (et pas juste en passager arrière). Comment garantir l’inclusion numérique quand la mobilité autonome suppose l’usage d’applications mobiles ? Quelles données personnelles sont collectées à bord ? Quel traitement pour les publics non connectés ?

L’équipe Beti a intégré ces préoccupations dès l’amont du projet. Les usagers peuvent monter à bord sans smartphone, sans carte, sans QR-code. Le service est volontairement gratuit pendant la phase pilote, et des formations numériques sont proposées aux habitants les plus éloignés du digital. Une approche inclusive qui, espérons-le, contaminera positivement d’autres projets à venir.

Alors oui, Beti ne roule pas à 130 km/h, elle ne parle pas encore 14 langues ni ne vous apporte un café dans un gobelet recyclable. Elle est, en revanche, un parfait symbole de cette France qui innove loin des hubs parisiens, avec rigueur et respect du rythme humain. Et dans ce domaine, c’est parfois encore plus rare – et plus précieux – qu’une prouesse technologique en soi.

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